Le Concours du Mt Revard (5 févrIer 1921)
Résumé d'un article paru en 1921 dans la revue du TOURING CLUB DE FRANCE
On se rappelle que, d'accord avec l'Automobile-Club de France, le Touring-Club avait organisé dès 1919, à Megève, un concours de chars de montagne, destiné à prouver le parti que l'on peut tirer de nos chars d'assaut en les utilisant pour des emplois de transports dans les terrains les plus accidentés.
La réussite de ce concours a encouragé les deux Associations à rechercher quelles sont les capacités de circulation des véhicules à chenilles, et c'est ainsi que, sous le patronage du Touring-Club, la Commission technique et la Commission de Tourisme de l'Automobile-Club de France viennent d'organiser avec un succès qui a dépassé toutes les espérances, le Concours du Mont Revard. Le programme des épreuves était double : Il s'agissait de démontrer d'abord: que l'ancien char d'assaut, muni d'un soc ou suivi d'un chasse-néige, était capable de déblayer avec rapidité et dans des conditions déterminées, une route obstruée par la neige; c'est ce dont se sont acquittés remarquablement les chars Renault, dont l'un prouvait sa capacité à débarrasser un espace de route déterminé de l'épaisseur de neige qui la recouvrait, tandis que l'autre, équipé en voiture de transport, véhiculait huit voyageurs, soit sur la route déblayée, soit même sur les champs de neige adjacents.
L'autre partie du programme consistait à prouver qu'un char de montagne, étudié principalement pour cet emploi, pouvait et devait circuler sur tous terrains, quelle que fût l'épaisseur de la neige et sa pente.
C'est là que nous fut révélé un dispositif nouveau qui fut le succès du concours et nous prouva d'une manière incomparable que le problème de la circulation sur neige, qui jusqu'ici n'était réalisé pour l'homme que par l'emploi du ski, vient de trouver sa solution d'une façon définitive pour tout ordre de véhicules.
Le triomphateur de la journée fut donc l'inventeur de ce procédé, notre camarade Kegresse, Français, ancien chef des garages automobiles de l'empereur de Russie, aidé dans sa besogne de construction et de mise au point par notre autre camarade Jacques Hinstin. Ce dispositif, dans le détail duquel nous ne pouvons entrer aujourd'hui, consiste essentiellement en l'emploi d'une bande de caoutchouc qui remplace la chaîne sans fin métallique des chenilles normales. Ce dispositif était appliqué à une voiture de 10 HP Citroën; la charge normale par centimètre carré était d'environ 100 grammes, soit sensiblement celle que supporte une paire de skis portant un homme.
Les évolutions de ce véhicule nous ont intéressés au dernier point. Nous l'avons vu quitter Aix-les-Bains pour monter directement au Revard (1.550 mètres) cheminant avec la même aisance sur le sol des routes et sur la terre labourée des champs où l'épaisseur de neige allait en croissant au fur et à mesure de la montée.
Nous l'avons vu ensuite procéder à de véritables exploits analogues à ceux des skieurs, escaladant avec rapidité des pentes de plus de 30 %, redescendant en toute sécurité à toute vitesse, virant et marquant les arrêts avec une précision incomparable.
L'étude de cet appareil nous a prouvé en outre que le dispositif pouvait s'adapter à tout genre de véhicule, que son emploi pour les poids lourds serait des plus utiles,et que l'on pouvait envisager, grâce à l'emploi du caoutchouc comme bande de roulement, une économie d'usure pour les routes.
Une conséquence assez curieuse de ce concours est que l'on vient à se demander, en face de la facilité de la circulation d'un tel véhicule, si le déblaiement des neiges réalisé par ailleurs garde sa raison d'être, étant donné que précisément un véhicule de ce mode est apte à circuler sur n'importe quelle épaisseur de neige.
On voit que le Concours du Mont Revard a eu pour résultat une solution d'ordre général et qu'elle marque une date dans l'histoire du progrès humain puisque dorénavant la neige, qui pendant les trois quarts de l'année constituait une entrave absolue à la circulation dans nos pays de montagne, est un obstacle définitivement vaincu.
Les applications de cette nouvelle invention française auront des conséquences énormes en art militaire, en agriculture (tracteur agricole léger), etc.
Aussi notre Conseil d'administration a-t-il décidé d'exprimer à M. Kegresse la reconnaissance du Tourisme français, et de lui décerner un diplôme d'honneur commémorant la date et la réussite officielle de son invention.