1970 Renault Rodéo 4, une naissance mouvementée—
De la Méhari à Giscard d’Estaing, en passant par L’Oréal mais aussi Marineland, la génèse de la première Rodéo est à l’image de son nom, pleine de rebondissements. Tout l’inverse du résultat final… d’une triste platitude !
Retour sur la naissance de ce modèle raté grâce aux souvenirs et aux archives de Robert Broyer, avec des images inédites de celle qui aurait dû voir le jour.
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• Le plastique est fantastique •
Roland de La Poype est un personnage de roman. Un vrai. Héros de la Seconde guerre mondiale dans la Royal Air Force, décoré par l’Union Soviétique pour sa participation à la défense du Front russe, il se reconvertit après-guerre dans l’industrie du plastique, à peine âgé de 27 ans. Car cet homme, en plus d’être un pilote hors pair, est un inventeur qui ne manque ni de flair ni d’audace.
À l’aube des Trente Glorieuses, il pressent l’explosion de la société de consommation et se lance, à travers sa Société d’Exploitation et d’Application des Brevets (S.E.A.B.), dans la fabrication de tuyaux ; Jacques Tati s’en amusera d’ailleurs dans le film “Mon Oncle” sorti en 1955 !
Peu de temps après, il vend à L’Oréal le concept de dosettes en PVC souple. Si l’idée est de proposer aux salons de coiffure des échantillons de shampooing, elle évoluera avec la mise sur le marché des fameux berlingots DOP qui rencontreront un succès fulgurant.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Au début des années 60, la démocratisation des premiers plastiques ABS développés durant la guerre, le Kralastic, donne l’idée à de La Poype de créer l’équivalent d’une Mini-Moke équipée d’une carrosserie teintée dans la masse et thermoformée, un procédé finalement proche de l’emboutissage des tôles. Avec son directeur technique Jean Darpin, de La Poype fait appel en 1966 à un designer de renom, Jean-Louis Barrault, qui a démarré à la CEI de Raymond Loewy. Ensemble, ils vont proposer clé en main leur Méhari d’abord à Renault, avec une robe quasi identique à celle que nous connaissons et reposant sur la plateforme de R4. Robert Broyer se souvient qu’à la Régie à l’époque, le directeur du marketing Bernard Hanon est loin d’être convaincu et décline la proposition de la S.E.A.B. Le plasturgiste se tourne alors vers Citroën qui, conquis, présentera à Deauville sa “Dyane 6 Méhari” le 16 mai 1968, alors que le pays traverse une crise majeure.
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• La Régie contre-attaque •
Le succès inattendu de ce modèle prend tout le monde de court. Si pour comprendre sa popularité, l’histoire a retenu le vent libertaire qui soufflait en plus de sa polyvalence et sa rusticité, il ne faut pas non plus oublier que la Méhari pouvait entrer dans la catégorie des utilitaires. Dépourvue de portes et banquette arrières, il était ainsi possible de récupérer la TVA. Un argument de poids largement mis en avant par les services de Communication de la marque !
Hanon comprend son erreur et décide de faire volte-face. Il demande à Yves Georges de mettre à l’étude un projet similaire, codé EC 129. Mais en interne la charge de travail arrive à saturation et il est nécessaire d’externaliser. Au début de l’année 1969, une consultation est lancée auprès de cinq sous-traitants spécialisés : la S.E.A.B. à Villejuif avec Jean Darpin, ACL (le futur Teilhol) dans le Puy-de-Dôme, Chappe et Gessalin (CG) à Brie-Comte-Robert, la Carrosserie Arnault à Garches et enfin la Carrosserie Lyonnaise à Nîmes. Les propositions qui en découlent quelques mois plus tard sont toutes… consternantes ! Hors de question d’apposer le Losange sur de tels modèles. Retour à la case départ.
À partir du 15 octobre 1969, une compétition de style est lancée. Une grande partie de l’équipe de Style du CTR est mise à contribution et chacun y va de ses dessins : Juchet, Dumolard, Boué, Broyer, Béligond, Ousset, Mignon et Dumolard. Exit les maquettes, le temps est compté. On consulte aussi Louis Lepoix et à nouveau la S.E.A.B. qui présentera une deuxième maquette à l’échelle 1.
Deux mois plus tard, lors de la présentation, le choix se porte finalement sur la proposition de Robert Broyer. Si son modèle “Plein air” n’a pas de rapport avec le modèle éponyme de Sinpar, il conserve un air de famille avec la R4. Plus court de 20 cm, il recèle d’astuces pratiques : pare-brise amovible, marche-pied intégré pour faciliter l’accès arrière ou encore l’ingénieuse roue de secours qui fait office de pare-chocs arrière.
Côté industrialisation, on préfère jouer la carte de la sécurité et le choix se porte sur la S.E.A.B., bien que son patron, Roland de La Poype, soit déjà affairé à Antibes pour mettre sur pied le parc Marineland…
Outre la production, le sous-traitant doit au préalable fournir la maquette à l’échelle 1 puis un prototype roulant. Conçue au premier semestre 1970 à l’atelier de modelage Grelier-Ganivet dans le 12e arrondissement, la maquette grandeur nature est réalisée par la même équipe qui a planché sur la Méhari, cette fois-ci sous la supervision de Broyer. Celle-ci est validée par le comité directeur : Pierre Dreyfus, Bernard Hanon, Yves Georges et Jean-François Quilici à la prospective, et personne ne cache son enthousiasme. Nous sommes alors le vendredi 29 mai 1970.
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• Funeste destin •
Mais le style à peine gelé, un événement imprévu va faire voler en éclat ces débuts prometteurs. Durant le week-end, sur les ondes, la France apprend qu’ACL va réaliser pour Renault une Méhari. Une information non vérifiée relayée par tous les médias. Le lundi 1er juin au matin, la direction de Renault réagit immédiatement et menace son patron Raoul Teilhol de procès. Celui-ci désemparé, appelle alors à la rescousse Valéry Giscard d’Estaing, qui prend aussitôt sa défense. À cette époque, l’homme politique est alors conseiller général du Puy-de-Dôme mais surtout ministre de l’Industrie sous la présidence Pompidou.
La messe est dite, Renault doit s’incliner jusqu’à accepter le modèle conçu par le constructeur auvergnat !
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Des relations forcément tendues entre ACL et la Régie, mais qui finiront par s’aplanir avec la Rodéo 6. Mais ceci est une autre histoire…
